Acheter responsable

On évoque de plus en plus souvent l’acte d’achat comme la possibilité d’un acte militant, l’expression d’un choix affiché. Nous avons donc une responsabilité en tant que consommateur et c’est plutôt une bonne nouvelle !

Souvent évoqué au titre de la démarche individuelle, encouragé par les territoires eux-mêmes pour donner de la visibilité aux initiatives locales, la notion de responsabilité gagne aussi du terrain dans l’entreprise. Fortement lié au modèle vertueux de l’Economie Sociale et Solidaire, « Entreprendre Responsable » répondrait à l’envie d’«Acheter Responsable » et inversement.

 

La notoriété de l’ESS a fortement progressé

Si le concept d’Economie Sociale et Solidaire a plus de 100 ans, ça fait finalement peu de temps que la population s’en est emparé, la reconnaissance législative de « l’entreprenariat social » lui ayant donné une visibilité nouvelle en 2014.

Ce nouvel engouement correspondrait à une volonté réelle de voir évoluer l’échelle des valeurs de notre société. Les jeunes générations seraient légion à vouloir s’y engager sur le plan professionnel répondant aussi à une quête de sens.

Nous assistons donc à une évolution majeure du regard porté sur l’entreprise, à la volonté d’un alignement des valeurs de l’individu avec celles du monde du travail.

Cette exigence nouvelle pousse les entreprises, tant au niveau de leur notoriété commerciale que de leur marque employeur, à prendre position sur leur implication sociétale. Cette demande étant, certaines entreprises ont parfois voulu trop en faire révélant de fortes dissonances entre affichage et pratique. C’est ainsi que la méfiance s’est installée notamment vis-à-vis de la position de certaines majores dont la sincérité posait question ouvrant ainsi les portes aux notions de Greenwashing ou de  Socialwashing…

 

La Responsabilité Sociétale des Entreprises

La notion de Responsabilité Sociétale des Entreprises est finalement assez forte ; la responsabilité induit par définition que l’on réponde de ses actes et que l’on en assume les conséquences. Dans l’entreprise, elle peut être vécue  comme une contrainte, parfois culpabilisante, là où il faudrait qu’elle soit formulée comme une volonté sincère et réelle d’engagement dans une ligne humaniste.

 

La notion de la responsabilité est ici intimement liée au Développement Durable. Elle prend notamment formellement l’habit de la norme ISO 14000 dans l’entreprise, comme une preuve d’un engagement mesurable. Par ailleurs, le concept d’économie circulaire introduit depuis quelques années vient ajouter une volonté de changer le paradigme par rapport à l’économie dite linéaire en appelant à une consommation sobre et responsable des ressources dans la production des biens et des services.

Dans le concept de RSE, « les entreprises intègrent les préoccupations sociales, environnementales, et économiques dans leurs activités et dans leurs interactions avec leurs parties prenantes, sur une base volontaire »

Le développement d’une politique RSE doit se faire en adéquation avec la raison d’être de l’entreprise et des valeurs qui en découlent, dans une logique gagnant-gagnant  et en soulignant l’aspect volontaire de la démarche dont elle va sortir grandie. Il ne peut en être autrement si l’entreprise devenue citoyenne participe à la construction d’un monde meilleur…

Il faut bien entendu continuer à affirmer que la performance économique demeure le but premier de l’entreprise mais il faut penser qu’elle vient servir dans la foulée un projet de performance sociétale qui devient lui-même un levier de compétitivité faisant sens.

 

Acheter Responsable en Entreprise

C’est au titre de la RSE* que s’invite la question de l’achat responsable et c’est le secteur de l’ESS qui vient finalement « nourrir » les politiques d’achat de l’entreprise.

Les processus d’achat constituent un enjeu très important et là où l’un des objectifs prioritaires était d’obtenir une réduction des coûts, on assiste à un basculement vers une quête plus en phase avec la logique RSE. Maitrise des coûts et des risques demeurent bien entendu incontournables mais les notions de changement des pratiques, d’innovation sociale et de durabilité prennent plus de place dans la démarche. Le gain d’image à l’égard des clients et des fournisseurs renforce bien entendu l’intérêt de la chose mais c’est de bonne guerre si la démarche est sincère…

Selon l’ObsAR, les politiques ARD (Achats Responsables Durables) sont en progression (Baromètre des AR réalisé avec Opinionway Fev-18). Globalement, les grandes entreprises camperaient plus sur des critères de réduction de coûts alors que les PME adopteraient plus facilement l’idée que cela s’inscrit dans leur développement global, le coût n’étant plus le critère prévalant.

Rappelons que depuis 2010, la norme ISO 26000, relative à la responsabilité sociétales des entreprises et organisations est venue apporter un bon coup de pouce aux achats responsables. L’obtention de normes, d’allègements fiscaux ou de contributions diverses motiverait aussi la démarche. Là aussi, retenons la force du sens vertueux et non le manque de sincérité dont certains peuvent faire preuve. Le résultat compte.

Pour la dimension sociale, les achats responsables en direction du STPA (Secteur du Travail Protégé et Adapté) offrent des avantages mais ce levier ne doit pas constituer la raison du choix. Il apparait aujourd’hui que l’insertion des personnes éloignées de l’emploi constitue le sujet que 57% des entreprises interrogées cherchent le plus à favoriser dans le cadre de leur RSE. L’achat de prestations de services offre cette particularité de mettre en place des projets de collaborations et de co-constructions où s’expriment pleinement les relations humaines et où le supplément de valeur devient plus évident.

Mais attention, les achats responsables ne doivent pas être des achats d’opportunité pour satisfaire « l’égo d’entreprise » et répondre sans conviction à une politique RSE tout en attendant une prestation comme les autres.  Car faire appel au STPA par exemple, c’est accepter  les éléments différenciants que présentent ce type de collaboration. Les achats responsables induisent des contraintes qui doivent être assumées en connaissance de cause et par adhésion. On n’attend pas en achetant du café responsable que le gabarit de ses grains soit uniforme. Si tel est le cas, on passe son chemin.

Cette compréhension est essentielle à la qualité de la relation commerciale qui doit être tissée.

Le prisme des Achats Responsables reflète une petite partie des enjeux que notre société doit relever. Les sources de progrès sont nombreuses et les entreprises sont bien placées pour agir.

Pierre André de Chalendar, actuel PDG de Saint Gobain, écrivait récemment que « L’entreprise devenait un des centres de gravité du bien commun». Pour le coup, quelle responsabilité ! ou plutôt, quelle opportunité !

Emmanuel Faber, PDG de Danone, déclarait aussi que désormais l’enjeu de l’économie et de la globalisation était la justice sociale.

Sans naïveté ni angélisme, si le courage, la détermination et la force de conviction s’emparent du plus grand nombre ; décideurs, consommateurs éclairés, citoyens actifs et engagés et qu’ils emboitent la même direction, alors, nous pourrons admettre être sur la bonne voie.

 

 

*RSE : On dit aussi « Responsabilité Sociale et Environnementale » et on parle aussi plus largement de RSO : Responsabilité Sociale des Organisations