Formation et handicap – Il faut revoir la copie.
Le parcours scolaire de la personne handicapée est un parcours du combattant.
Il n’y a pas à s’étonner du taux de chômage des personnes handicapées si l’on ne regarde pas de près la réalité de leur parcours de formation.
Traiter le problème de l’embauche sans traiter celui de la formation est une posture globalement dommageable pour le dynamisme économique d’un pays et la montée en compétence de sa population active. Les personnes handicapées pâtissent particulièrement de cette singulière dichotomie.
Rappelons en préambule, que la loi du 11 février 2005, sur l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées oblige le service public de l’éducation à « assurer une formation scolaire, professionnelle ou supérieure aux enfants, aux adolescents et aux adultes présentant un handicap ou un trouble de la santé invalidant. Dans ses domaines de compétences, l’Etat met en place les moyens financiers et humains nécessaires à la scolarisation en milieu ordinaire ».
Dans les faits, et d’après les chiffres du Ministère de l’Éducation, à l’âge de six ans, 85% des élèves en situation de handicap sont scolarisés dans une classe ordinaire. Mais quatre ans plus tard, à dix ans, ils ne sont plus que 45%. Au fur et à mesure de leur scolarité, ils sont de plus en plus orientés vers des classes ou établissements spécialisés et ne sont plus qu’un 1% dans l’enseignement supérieur.
Bilan des courses ; 80% des personnes handicapées ont un niveau inférieur au Bac.
La France mauvaise élève ?
L’ONU a récemment sermonné la France à ce sujet en lui demandant de « prendre les mesures nécessaires pour réaliser l’égalité de traitement des personnes handicapées » et « d’améliorer l’accès à l’éducation, aux soins, à l’emploi et aux infrastructures publiques ».
En Europe, la scolarisation des enfants en situation de handicap revêt diverses formes. On constate dans la majorité des pays que ces élèves sont scolarisés en école ordinaire (Suède, Norvège, Islande, Espagne, Italie, Portugal). A l’inverse, la Belgique et l’Allemagne présentent une forte prévalence d’écoles ou de classes spécialisées. La France, quant à elle, comme la Grande-Bretagne d’ailleurs, est dans un mixte des deux systèmes. L’ensemble des pays fait néanmoins le même constat : il faut mettre les moyens sur le niveau de qualification des enseignants spécialisés et des personnels d’accompagnement.
Mardi 23 janvier, plusieurs associations * se sont regroupées pour alerter sur les problèmes de scolarisation des 300 000 enfants en situations de handicap en France, en ciblant particulièrement les classes de CM1 et CM2 et en plaidant pour une « Une école pour tous les enfants ».
La compétence des enseignants et des personnels ressources
Le constat est là : l’école peine à maintenir les élèves en situation de handicap en classe ordinaire et les oriente, au fur et à mesure de leur scolarisation, vers des dispositifs spécialisés. A l’occasion de ses vœux au CNCPH* Sophie Cluzel, a récemment déclaré qu’il convenait de multiplier les modes de scolarisation et de faciliter le partenariat entre l’Education Nationale et le médico-social, quitte, selon elle, « à déplacer le centre de gravité » de ce dernier « au sein de l’école ».
Il semble que pour y parvenir il faille sérieusement tabler sur une montée en compétences des enseignants et des personnels ressources ! A ce sujet, Sophie Cluzel a rappelé qu’elle souhaitait améliorer le dispositif d’accompagnement du recrutement des AESH / AVS dont le manque est structurel. Elle souhaite « intensifier » la transformation des emplois aidés en contrats pérennes, pour « professionnaliser » les accompagnants qui ne sont aujourd’hui pas assez munis, par manque de compétences.
Rappelons par ailleurs que les associations regrettent que le recours à l’AESH (accompagnant des élèves en situation de handicap) soit devenu systématique, alors qu’il ne constitue pas toujours la réponse idoine. D’après elles, peu armés pour accompagner eux-mêmes les enfants handicapés, les enseignants inciteraient trop souvent les parents à en faire la demande.
L’APAJH, l’APF, le CCAH et l’Unapei réclament ainsi une meilleure formation des professeurs et du personnel éducatif qui devraient s’appuyer d’avantage sur les professionnels du médico-social. Ces organisations réclament également une réduction des effectifs des classes, « condition nécessaire d’une scolarisation optimale ». Cette option serait par ailleurs profitable à tous.
Passer les échelons vers le supérieur est souvent très compliqué
Même si la scolarisation des enfants handicapés est en progrès ces dernières années, elle décroît au fur et à mesure que les élèves grandissent.
S’engager dans des études supérieures serait un doux rêve pour beaucoup de jeunes en situation de handicap. Au-delà des difficultés matérielles, la majorité d’entre eux s’interdit de poursuivre de longues études par crainte de ne pas y arriver.
Outre les problèmes d’accessibilité physique, l’aménagement des programmes, des examens et l’accompagnement demeurent bien en deçà de ce que l’on pourrait en attendre.
La Charte université / handicap de 2007 a pour intention de recevoir et d’accompagner plus d’étudiants en situation de handicap à la Fac avec des structures d’accueil et de suivi. Les Grandes Ecoles ont signé un accord similaire. Ce sont des avancées sur le papier mais dans les faits, la mise en pratique est très compliquée, décourageante pour de nombreux étudiants.
Notons néanmoins l’initiative de Science Po, souvent en avant sur les sujets d’inclusion sociale, qui a entrepris d’instaurer une pédagogie du handicap. Dépasser la logique de compensations (tiers temps, adaptations techniques…) pour aller vers une stratégie d’adaptation de contenus, en s’intéressant aux modes d’apprentissage et en concevant un enseignement inclusif. Cela serait donc possible !
Globalement, le manque de solutions idoines pour la formation initiale, par ailleurs doublé de forts préjugés sur le travail et le handicap posent un véritable défi pour le recrutement des personnes handicapées.
Et si le problème de la qualification et des compétences posent aujourd’hui problème pour l’ensemble de la population, à l’heure où le sujet de la Formation Continue est sur le tapis, n’oublions pas de penser à celle des personnes handicapées qui pourraient gagner en compétences et prétendre enfin à une meilleure employabilité.
De manière générale, envisager les choses sous le prisme du bon sens et de l’efficacité permettrait vraisemblablement d’obtenir des résultats plus probants.
Le chemin est encore long mais la voie est ouverte…
*L’Apajh (adultes et jeunes handicapés), L’Unapei (handicap mental), l’Association des paralysés de France (APF) et le CCAH (Comité national Coordination Action Handicap)
soutenues par le groupe de protection sociale AG2R La Mondiale.
*CNCPH : Conseil National Consultatif des Personnes Handicapées